Rencontre avec Florence Hinckel

Il y a vingt ans (et quelques poussières d’étoiles), Juliette Binoche, écorchée vive, découvrait, au bout d’une longue épreuve, le goût de la liberté dans Trois Couleurs : Bleu de Krysztof Kieslowski [1]. De plongeons dans le bleu profond d’une piscine, aux innombrables bleus à l’âme, ce film-là marquera pour longtemps le spectateur chanceux qui l’aura vu sur grand écran. Il y a vingt ans ou presque, Juliette Binoche, encore elle, cavalait dans une Provence dévastée par le choléra pour regagner le château où l’attendait son mari dans l’adaptation cinématographique du Hussard sur le Toit de Jean Giono [2]. Le spectateur séduit en venait immanquablement à (re)lire le roman éponyme de l’auteur provençal. Il y a vingt ans enfin, avec sa Trilogie Marseillaise, Jean-Claude Izzo publiait un polar devenu mythique [3] ; un authentique chef d’œuvre dans lequel il rendait un sublime hommage à sa ville, Marseille.

Alors, quand Florence Hinckel franchit la porte du CDI ce jeudi 18 mai, c’est toute mon adolescence qui resurgit soudain. Florence a fait en train le long chemin depuis La Ciotat pour nous rencontrer. Elle parle si bien de Marseille et de sa région dans U4 : Yannis qu’ Izzo n’est pas très loin. Les magnifiques descriptions qui ouvrent ce roman rappelleront indubitablement l’ambiance des aventures de Fabio Montale à quiconque les a lues. L’épigraphe qui orne le livre, elle, vient (bien sûr !) du fameux Hussard cité plus haut : « L’homme est aussi un microbe têtu. » Florence vient, à l’invitation d’Isabelle Mathieu du Canopé de la Marne, échanger avec les élèves de Seconde 9 qui participent au Défi Babelio, autour de son roman #Bleue. Une œuvre empreinte, tout comme le film de Kieslowski, d’une profonde empathie envers les êtres humains et d’un même désir de liberté. La prof-doc que je suis est vêtue de bleu, comme à son habitude, et le CDI s’est également paré de bleu pour l’occasion. Problème inattendu : Les élèves, fascinés par cette exposition de livres à la couverture bleue se mettent subitement à emprunter ces ouvrages… qu’il faut donc remplacer immédiatement !

FHinckel

A 14 heures, la rencontre commence. Ce sont les garçons qui prennent la parole et animent la discussion. Merci à Amaël, Maxime, Lucas, Alexandre, Timothé, Zakaria et Dylan d’avoir partagé leur ressenti et leurs émotions à la lecture de ce roman. On apprend ainsi que #Bleue fait partie d’une réflexion de longue date que mène l’auteur sur les évolutions de la science et de la société. Théa pour l’éternité, son précédent ouvrage, évoquait déjà ces thèmes. L’héroïne, Théa, poussée par une mère obsédée par la peur de vieillir, accepte de prendre un traitement qui arrêtera son vieillissement… Suite à ce livre, Florence Hinckel a poursuivi sa réflexion sur les bénéfices mais aussi les dérives d’une société ultra-connectée, de plus en plus incapable de gérer les relations humaines avec simplicité. C’est tout l’enjeu de #Bleue dont les personnages principaux, Silas et Astrid, refusent le monde ouaté où les adultes veulent les confiner sous prétexte de les protéger. Ils feront alors l’expérience de la véritable empathie, donc de la souffrance, mais aussi de la liberté. Un ode à l’amour et à la vie, mais surtout une invitation à la compréhension profonde de ce qui nous lie les uns aux autres, et de ce qui nous relie à la nature. Un roman d’une beauté rare, accueilli avec enthousiasme par les élèves. Puis, Florence Hinckel nous révèle qu’elle plongera son lecteur au cœur d’une bande d’amis en classe de Terminale dans sa nouvelle trilogie Le grand Saut. Elle nous confie vouloir réfléchir à l’épineuse question de « l’homme augmenté » qui soulève à la fois de grandes espérances et de douloureuses questions d’étique. Pur hasard ou troublante coïncidence, dans son roman, l’un de ces jeunes, Alex, est en fauteuil roulant. Or, notre Alexandre, rayonnant, installé au premier rang, est aussi en fauteuil ! Florence et Alexandre partagent un moment de complicité qui n’appartient qu’à eux. Généreuse, Florence Hinckel partage aussi avec nous les maquettes de couverture de ses romans (où l’on constate l’intéressante évolution de la couverture, heureusement passée d’Electro-Bleu à #Bleue), et même les corrections qu’elle apporte à son prochain roman !

Un après-midi chaleureux dont, oublieux des quelques fâcheux du rang du milieu, nous ne garderons  que l’immense bonheur d’avoir tant appris sur le métier d’écrivain et sur l’univers passionnant de Florence Hinckel. Les jeunes passionnés du premier rang, et les demoiselles discrètes du dernier rang, vingt ans dans quelques temps, sont repartis ravis, des étoiles plein les yeux. Et moi qui suis née un jour bleu de novembre, je suis heureuse, après cette merveilleuse rencontre, d’avoir bientôt deux fois vingt ans.

Violaine Azéma.

N.B. Pour préparer cette rencontre, j’ai (re)lu entres autres :

#Bleue de Florence Hinckel

U4 : Yannis de Florence Hinckel

U4 : Stéphane de Vincent Villeminot

Je suis né un jour bleu de Daniel Tammet

Bleu : Histoire d’une couleur de Michel Pastoureau

Et j’ai réécouté :

Blue de Joni Mitchell

Kind of Blue de Miles Davis

Blue Train de John Coltrane

Blueprint de Rory Gallagher

Calling Card  de Rory Gallagher

[1] Le film Trois Couleurs : Bleu de Krysztof Kieslowski est sorti en salles en 1993.
[2] Le film Le Hussard sur le Toit de Jean-Paul Rappeneau est sorti en salles en 1995.
[3] Total Khéops est sorti en 1995 – Chourmo en 1996 – Soléa en 1998.

 

Une réflexion sur “Rencontre avec Florence Hinckel

  1. Si c’est un bleu dans les tons de ce celui de Kieslowski, je me laisserais facilement tenter. Ce film est un joyau. Quant au Hussard, le film, il a bien 20 ans révolus. Ma première sortie scolaire avec des élèves de ce même lycée. Qu’ils ont de la chance ces élèves de faire de si belles rencontres !

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